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Tout cela semblera peut-être un peu étrange. L’avant-garde est toujours étrange.
Mais nous l’écrirons haut et fort.

Nous aimons nous regarder dans le miroir.
Peu importe notre apparence.

Aimer au point d’en être spontanément remplis de joie. Sans même nous forcer à sourire. Comme si nous rencontrerions un ami de longue date. Nous ne nous considérons ni meilleurs. Ni plus beaux. Ni plus intelligents que les autres pour autant. Rappelons-nous que nous ne croyons tout simplement plus à ces concepts abstraits.

Malgré le célèbre conseil «aime ton prochain comme toi-même». L’idée d’éprouver du plaisir à se regarder soi-même. En inquiète et dérange plusieurs. Nous serons peut-être traités de fous. D’intoxiqués. Ou pire. De personnalités narcissiques. L’occident porte encore la marque de la pensée de Freud. Notre père spirituel Freud qui estimait que le narcissisme primaire du jeune enfant devait évoluer en se transposant entièrement sur autrui.

Et c’est ainsi que nous avons appris plus ou moins consciemment. À tenter d’aimer les autres. Sans même nous aimer nous-mêmes. L’échec nous semble maintenant inévitable. Le selfie. Symptôme de notre époque. Devient alors cette demande d’amour répétée à l’infini. Mais en vain.

Nous aimer n’a rien à voir avec la pensée positive. Ou le développement d’un certain estime de soi si populaire dans nos milieux éducatifs. Estime qui implique le jugement de nos qualités. De nos défauts. Et donc nécessairement, un exercice de comparaison. Menant rapidement au stress et à l’angoisse. Que vivent tant de nos enfants.

Ce que nous ressentons surgit de manière beaucoup plus viscérale. Inconditionnelle. Un phénomène de l’ordre du coup de foudre. Mais avec notre propre reflet. Nous connaissons notre image depuis des années. Et malgré tout. Elle ne cesse désormais de nous fasciner. Sans que nous arrivions à la figer. Incroyable mais vrai.

Nous ne passons pas pour autant des heures devant la glace. Tout le temps et l’énergie que nous investissions jadis à douter de nous. À tenter de voir notre beauté. À nous embellir. À nous prendre en photo. À nous demander ce que pensent les autres de nous. Nous pouvons maintenant leur offrir. Et nous ne craignons plus de regarder le monde en face en silence. Parce que nous nous sommes réellement vu nous-mêmes. Nous nous sommes vus avec toute notre histoire. Sans idéalisation. Sans jugement. Sans honte. Sans tenter de nous séduire. De nous sourire. Nous avons ressenti notre fatigue. Notre malaise. Notre tristesse. Notre colère. Notre peur. Cachés dans les traits de notre visage.

Et contre toute espérance. C’est en ayant le courage d’entrer en lien. De nous ouvrir. Et porter attention à nos ombres. Inscrites. Visibles aux yeux de tous. Dans notre corps. Que nous avons senti monter la plus grande délivrance. La plus grande joie. Nous pensions avoir connu des highs puissants dans le passé. Nous ne connaissions pas encore ce qui nous attendait. Une émotion qui ne peut que nous donner l’impression de rayonner. Comme un roi. Une reine. Une star.

Un bouleversement inattendu. Reproductible à volonté. Qui transmet cette envie nouvelle de voir les autres en face. Eux aussi. Sans rien leur imposer pour autant. Et discrètement ressentir ce qui se cache derrière les masques de leur histoire. En sachant que c’est en les accueillant. Que ces masques finissent par tomber comme par magie.

Vous savez les transformations des contes de fées?
Et bien elles s’inspirent d’une possibilité humaine.
Qu’on ne nous montre pas à l’école et à la télévision.


* * *


Citation de Kristin Neff, chercheuse et docteure en psychologie,
dans S’aimer, 2011 :


«Malheureusement, beaucoup de gens, surtout s’ils ont reçu ce message durant l’enfance, pensent qu’ils n’ont pas le droit d’être gentils avec eux-mêmes. Et, même parmi ceux qui veulent l’être et se débarrasseraient avec joie de leur tyran intérieur, subsiste souvent la croyance que tout changement est impossible. Ceux-là se critiquent depuis tellement longtemps qu’ils se sentent incapables de la moindre bienveillance à leur égard. Pourtant, et c’est une chance, se montrer bienveillant envers soi est plus facile qu’on le pense. (…) Nous ne dépendons pas de l’affection ni de la compassion d’autrui pour nous sentir dignes d’êtres aimés, et ne sommes pas obligés de chercher à l’extérieur l’acceptation et la sécurité nécessaire à notre bien-être.»




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