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Le mot «pardon» évoque à quelque part au fond de notre imaginaire collectif. Notre ancienne appartenance à la religion catholique. Pendant des siècles nous nous sommes tournés vers le divin pour exaucer nos fautes. Et après la mort de Dieu, l’homo occidentalis s’est retrouvé sans confesseur.

Restent les psychologues, psychanalystes et autres thérapeutes. Pour recevoir nos confidences les moins avouables. Mais ces derniers demeurant évidemment humains. Nous pouvons douter de la profondeur de leur miséricorde. Une part d’entre eux n’arrivent d’ailleurs pas à se pardonner eux-mêmes. Le règne de la honte et du secret s’infiltre partout.

Nous avons réalisé que tout comme dans le cas de la valeur. Le pardon. Lorsqu’il atteignait sa pleine puissance. Prenait une couleur inconditionnelle. Réellement pardonner une action particulière impliquait finalement de tout pardonner. À tout le monde. Autrement, nous prétendons être en mesure de juger quelles actions sont dignes de pardon et lesquelles ne le sont pas. Évaluation qui ne tarde pas à faire surgir le doute en nous.

Et si ce que j’ai fait était finalement pire que les autres? Et si ce que j’ai fait s’avérait en réalité impardonnable? S’étirant parfois pendant des vies entières, ces questionnements superflus rendent nos tentatives de pardon incomplètes.

L’idée d’un pardon inconditionnel semblera à plusieurs trop facile. Trop simple. Et c’est ainsi que pour ne pas s’avouer qu’ils ont eu honte pour rien une bonne partie de leur vie. Plusieurs préféreront continuer à avoir honte jusqu’à leur mort. D’autres tiennent tellement aux remords qu’ils éprouvent pour certaines personnes. Qu’ils n’arriveront donc pas à se pardonner eux-mêmes. La fameuse réplique «Ah ça je lui pardonnerai jamais!» se retourne contre eux. Parfois sans même qu’ils ne s’en rendent compte.

Pardonner ne veut pas dire à nos yeux donner raison. Et encore moins banaliser la situation. C’est d’abord un changement dans la structure de notre pensée. Changement où les concepts de «bien» et de «mal» ne sont plus pris au sérieux. Et cette transformation implique une réouverture du corps. Jadis, il nous arrivait de prétendre pardonner. Alors que notre corps demeurait sur la défensive ou l’attaque. Dans la fermeture. Nous avons découvert que ce n’est que lorsqu’il s’ouvre à nouveau. Sincèrement. Face à autrui ou face à nous-même. Que le pardon commence à opérer.

Et nous ne parlons pas ici de forcer un sourire.

En se rouvrant de manière radicale. Notre corps ressent qu’il peut toujours recevoir. Il peut toujours être rempli. Peu importe ce que nous avons fait dans le passé. Et nous pouvons alors redonner ce que nous avons reçu en surplus. Malgré ce qui nous a été infligé.

Nous n’oublions pas. Mais à quelque part nous comprenons. Parce que nous comprenons aussi à quel point parfois. Nous ne savons pas ce que nous faisons nous-mêmes. Nous demeurons responsables de nos actes. Simplement il nous manque encore les outils pour ne pas engendrer de souffrance autour de nous. Et à ceux qui nous accuseront de ne pas aller chercher de l’aide. Nous répondrons que même aller chercher de l’aide. Demande d’avoir appris à le faire.

D’avoir appris le courage aussi.

Nous sommes avant tout des enfants qui avons grandi en faisant de notre mieux.
La honte ne nous servira à rien.




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