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L’amour est un mot tellement fatigué. Love s’en tire déjà un peu mieux. «All you need is love» chantaient les Beatles. Qui oserait les traiter de kitsch? L’amour attire maintenant la méfiance. Et pourtant nous arrivons difficilement à ne pas y rêver. Combien de nos actions portent consciemment ou non ce désir d’être aimés comme ultime fin? À défaut souvent de réussir d’abord à nous aimer nous-mêmes.

Le couple étant une aventure exigeante. Être adoré par des foules entières. Comme une star. Devient le phantasme par excellence. Une tentative de combler ce manque d’amour. Sans tout à fait y arriver. Car le rapport entre idole et fan ne peut que mener au déséquilibre. Cette inégalité fondamentale convient d’ailleurs à plusieurs. Elle permet de ne pas avoir à se faire face. Entre humains égaux. Au-delà du contrôle et de la dépendance.

L’amour se présente toujours comme un cadeau à nos yeux. Un horizon. Contrairement à plusieurs. Nous ne prétendons pas être capables d’aimer les autres. Une telle prétention rendrait un trop grand nombre de nos gestes et pensées contradictoires. Combien de gens se frappent. Se piquent. S’insultent. Tout en se déclarant «je t’aime». Que peuvent bien vouloir dire les mots après?

Ceci dit. Il nous arrive tout de même d’expérimenter l’amour. Par brefs moments. De plus en plus souvent. De l’expérimenter comme un phénomène qui surgit de manière déstabilisante. Qui nous prend. Comme le coup de foudre. Puis se referme. Disparaît.

Nous savons désormais. Que nous pouvons préparer le terrain.
Pour ce surgissement surprenant.
De l’amour.

Pendant ces moments de grâce. De plus en plus nombreux. Nous réalisons que la personne aimée n’est ni la source. Ni l’objet de notre amour. Elle ne fait qu’aider notre corps à s’ouvrir. Se détendre. Devenir attentif. Et ainsi recevoir cette impression sublime d’être rempli. Pour finalement déborder. De joie. Nous constatons avec le temps. Que nous sommes en mesure de nous ouvrir par nous-même. De baisser nos défenses de manière radicale. Sans dépendre d’une personne. Ou d’une situation particulière. Pour vivre ce bonheur.

«Bonheur».
Le mot n’est même pas à la hauteur.

À quelque part. Nous aimerions aussi être indispensables au bien-être de nos proches. Mais nous ressentons clairement que nous nous coupons par le fait même de cette possibilité incroyable d’expérimenter à volonté. Physiquement. Viscéralement. Cette foudre qui nous traverse. Ce «tir de Cupidon» droit au «cœur».

Cette sensation qui fait en sorte. Que celui ou celle qui se trouve devant nous. Ne peut temporairement qu’être aimé. Malgré nous. Qu’il s’agisse d’un proche. D’un inconnu. Ou même de notre propre reflet. Dans le miroir.


* * *


Citation d’Alexander Lowen, psychothérapeute,
dans La joie retrouvée, 1995 :


«En effet, c’est l’amour qui rend la relation spéciale et non le caractère spécial des personnes concernées. (…) Tomber amoureux n’est pas la réponse ; la réponse, c’est d’être amoureux, c’est-à-dire ouvert. Et si nous voulons nous libérer de la peur, de la honte et de la culpabilité, nous devons d’abord nous ouvrir à nous-mêmes et à nos sentiments profonds. (…) L’adulte qui attend de l’autre l’accomplissement de son être, c’est-à-dire le bonheur, se trahit lui-même et sera trahit par cette personne. À l’inverse, s’il cherche en lui les sentiments positifs qui naissent de son contact avec lui-même et de son abandon à son corps, il ne sera jamais trompé ni abusé.»




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