menu | contact : info@manifestepost.org
article précédent | suivant










Même lorsque l’on essaye de ne pas se comparer aux autres. C’est souvent plus fort que nous. Notre langage lui-même nous l’impose en quelque sorte. Par la simple existence des mots «meilleur», «pire», «plus», «moins». De l’exercice naît d’innombrables complexes d’infériorité et de supériorité. Avec les conséquences malheureuses que l’on connaît.

Une basse estime de soi se rencontre malgré tout généralement plus souvent qu’une réelle personnalité narcissique. Bon nombre se vantent et abaissent les autres. Non pas parce qu’ils se considèrent réellement au-dessus de la mêlée. Mais parce qu’ils doutent profondément de ce qu’ils valent. Ceci dit. Celui qui se croit «inférieur» porte autant de prétention que celui qui s’estime «supérieur». Car malgré la vision atrophiée qu’il a de lui-même, il se perçoit tout de même implicitement meilleur que plusieurs autres. En moins de se convaincre d’être le pire être humain de tous les temps. Ce qui est beaucoup plus rare.

Quant à nous, nous ne portons pas cette prétention de pouvoir juger et comparer la valeur des uns et des autres. Nous pouvons évaluer des aspects plus spécifiques. Plus objectifs. Untel sait faire du breakdance. Alors qu’un autre ne l’a pas encore appris. Unetelle n’arrive pas à avoir de fun à jeun. Alors que sa collègue si. Untel frappe ses proches. Alors que son voisin se retient. Mais ces variations n’ont rien à voir à nos yeux avec la valeur globale d’une personne.

De cette vision surgit une idée nouvelle. Une idée ressentie viscéralement. L’idée que notre valeur. En tant qu’être humain. Est inconditionnelle.

Inconditionnelle.

La donner à tous. Devient l’unique moyen de se la donner à soi. Sans constamment douter. Notre orgueil en a pris un coup. Mais nous vous jurons que nous ne le regrettons pas.

Il s’agit évidemment d’un paradigme très éloigné. Voire opposé. À celui de nos cultures. Mainstream comme alternatives. Même plusieurs adeptes d’un certain «amour universel» se débarrassent difficilement de leur mépris, subtil ou non, pour ceux «qui ne sont pas conscients». Les «endormis» disent-ils.

Certains protesteront. Que nous n’avons tout de même pas la même valeur qu’un meurtrier. Ou un dictateur. Nous ne pourrons que réitérer que oui. Les parents sentiront peut-être plus aisément ce dont nous parlons. Est-ce qu’une mère ou un père irait jusqu’à affirmer qu’un de ses enfants a moins de valeur qu’un autre? Certains le pensent en effet. Ils instaurent alors dans leur propre famille une compétition plus ou moins silencieuse. Mais tant d’autres répondront que comparer la valeur de leurs différents enfants ne leur fait aucun sens. Ils n’ont pas les mêmes forces. Les mêmes faiblesses. Ils n’ont pas vécu les mêmes histoires. Ils peuvent partager personnellement plus d’affinités avec certains. Mais ces différences n’y changent rien.

Plusieurs répliqueront que l’idée d’une valeur inconditionnelle pour tous. C’est beaucoup trop facile. Nous ne nous serions pas donné tout ce mal. Pendant tant d’années. Pour plaire. Pour être à la hauteur. Si notre valeur pouvait simplement être inconditionnelle

Et bien justement.
Nous avons réalisé que nous nous en faisions beaucoup trop.
Pour rien.

Nous découvrons que nous pouvons désormais agir. Non plus pour augmenter notre valeur. Car personne ne peut l’ébranler en fait cette valeur. Mais pour être heureux. Avec nous-même. Et le monde autour de nous. Vous imaginez?

D’autres argumenteront que ce relativisme constitue déjà un des maux de notre époque. Que notre vision ne peut qu’engendrer un nivellement par le bas. Nous répondrons que le réflexe de comparaison demeure partout omniprésent. Les modes et les critiques en témoignent. Le monde accorde peut-être simplement de la valeur à ce qui en avait moins dans le passé. Tout en rejetant la tradition. Mais elle demeure conditionnelle. Dans la très grande majorité des cas.


* * *


Citation de Kristin Neff, chercheuse et docteure en psychologie,
dans S’aimer, 2011 :


«En sacrifiant notre moi authentique sur l’autel de l’estime de soi, nous échangeons le prodige et le mystère de notre existence contre un vulgaire cliché Polaroid. (…) L’autocompassion n’essaie pas de calculer la valeur ni de définir l’essence de notre personne. Elle n’est ni une idée, ni une étiquette, ni un jugement, ni une évaluation. Plutôt un moyen de se relier au mystère de notre être profond.»




menu | article précédent | suivant





manifeste post- . 2023 . Montréal.