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Quiconque côtoie nos scènes de création contemporaine se familiarisera rapidement avec un univers plutôt trash. Nous en retrouvons d’ailleurs le reflet dans des manifestations dites plus populaires. En visionnant Jackass et autres émissions à sensations fortes. De type sexe, sang, pipi, caca.

L’horizon semble ici de pousser l’expression des pulsions agressives, sexuelles et scatologiques jusqu’à leurs limites. Quelles sont ces limites exactement? Nous l’ignorons. Notons que cette entreprise innove peu. Ayant vécu au 18e siècle, le Marquis de Sade aurait encore de quoi en impressionner plusieurs. Ce qui a changé peut-être depuis. C'est que ce qui se trouvait censuré à l’époque. Devient désormais objet de banalisation. Offert comme imaginaire aux générations montantes. Ce qui pouvait être justifié jadis par un désir de provocation. Sert aujourd’hui de simple divertissement MTV.

Si plusieurs s’en offusqueront. Nous voyons cette tendance comme une lente tentative collective d’apprivoisement. Le long apprivoisement de nos propres ombres. Notre héritage religieux ayant condamné pendant des siècles notre agressivité et nos désirs charnels. Nous essayons comme nous pouvons de nous les réapproprier. Mais avec peine. Car nous n’avons toujours pas appris à nous défaire de notre honte. La même que nous portions alors que nous étions que des enfants.

Nous exhibons donc nos pulsions jusqu’à l’épuisement. Notre fixation prend de l’ampleur. En espérant vainement que les foules nous pardonnent. Mais non. Si ces dernières applaudissent et en redemandent sans cesse. Elles n’arrivent pas à s’identifier totalement pour autant. À avouer : Tout ça fait aussi partie de nous.

Comme si l’occident, s’étant beaucoup trop idéalisé lui-même. Se débattait encore dans le deuil de ce qu’il aurait souhaité être. Bien que d’autres génocides d’envergure l’aient précédée. La deuxième guerre mondiale marqua probablement dans notre imaginaire collectif. Le début de la grande désillusion. Et tant que nous ne verrons pas que les racines de cet impensable. Et de tous les autres impensables. Reposent latentes en chacun de nous. Nous continuerons à craindre les fascistes. Les intégristes. Les terroristes. À nous craindre nous-mêmes. Et notre partenaire. Car ce que nous n’osons regarder en face. Nous contrôle malgré nous.

Contrairement à Freud et ce mouvement de la pensée contemporaine qui conditionne encore nos esprits. Nous ne croyons pas pour autant que l’humain est fondamentalement dangereux. Qu’il ne reste qu’à tenter de le protéger de lui-même. Grâce à des structures de contrôle, de sécurité et d’inhibition toujours plus complexes. Nous pencherions plutôt du côté de son élève Wilhelm Reich. Un autre oublié de l’histoire. Mort en prison. Reich qui estimait que les pulsions destructrices humaines résultaient avant tout d’un refoulement. Alimenté par les agressions et les censures de l’environnement. De la société. Forces qui pouvaient devenir inoffensives. Lorsqu’on les ramenait à la surface pour les regarder avant qu’elles n’explosent. Sans en avoir peur. Sans les condamner.

Nous songeons à cette petite fille de Summerhill qui ne décida de se laver, que lorsque son éducateur lui demanda pour quelle raison elle n’était pas plus sale encore.

En attendant, nos artistes continuent de se sacrifier pour servir d’exutoires à nos parts d’enfer quotidiennes. Et permettent à plusieurs de jouer aux anges. Tout en condamnant la barbarie des autres. Jusqu’à ce que le temps ne les rattrape. Subtilement ou non. Sous forme de maladie. De dépression. Ou autres violences diffuses. Souvent dirigées contre soi-même. Lorsque ce n’est pas envers les autres. Car on ne refoule pas indéfiniment.


* * *


Citation d’Alexander Lowen, psychothérapeute,
dans La joie retrouvée, 1995 :


«Vivre dans la profondeur de son être peut être douloureux et effrayant à première vue, mais si nous avons le courage de traverser notre enfer intérieur, nous y trouverons une véritable source de joie et de satisfaction, le paradis.»




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