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Il est parfois dit que l’humain a besoin de crise pour se remettre en question. La maladie joue souvent ce rôle. Ou le burn-out. La dépression. Parfois ce bouleversement n’arrive qu’assez tard dans une vie. Vers la quarantaine. La cinquantaine. Après des années d’accumulation. Et de souffrances diffuses. D’autres ont besoin de l’annonce de leur mort elle-même. Pour jeter un regard plus honnête sur leur vie. Et essayer de faire tout ce qu’elles n’ont pas osé faire dans le passé. Dire tout ce qu’elles n’ont pas osé dire.

Pour plusieurs, un certain niveau de souffrance est perçu comme étant tout à fait normal dans leur existence. Après tout, leurs proches ne l’ont pas vraiment plus facile. Nombreux estiment que c’est tout ce qu’ils méritent. Grandir en apprenant la haine de soi nous attire les ennuis les plus inimaginables.

Si dans certains cas la souffrance nous permet de comprendre les conséquences de nos actes. Dans d’autres situations, elle devient partie prenante de l’identité de celui qui la subit. Les rôles de masochiste, de victime et de martyr prennent d’innombrables formes. Souffrir devient ainsi une habitude. Voire une fierté. Le banal quotidien. Pour plusieurs, l’unique manière connue de se sentir vivant. L’intensité de la joie leur demeure un territoire pratiquement inconnu.

Se remettre en question semble alors quasi irréel comme possibilité. Abstrait. Puis par où commencer? Le faire seul rebute d’autant plus. La crainte d’être stigmatisé. Pour éviter de brasser de la marde inutilement en rouvrant le passé. Pour éviter d’avoir honte à défaut d’avoir appris à nous pardonner. On garde le cap droit devant. On se débouche une bière. On se roule un joint. On se loue un film. En espérant ne pas frapper un mur trop violemment plus tard.

Quant à nous, nous avons la chance d’avoir une sensibilité qui ne nous autorise pas à attendre des années avant la catastrophe. Elle nous envoie des signaux dès que nous prenons un chemin voué à la souffrance. Lorsque nous l’ignorons. Les symptômes remontent à la surface. Certains parleront d’hypersensibilité. Peut-être. Et, honnêtement, tant mieux. Elle est le gage de notre santé mentale.

Dans notre imaginaire collectif, se remettre en question évoque rapidement la visite chez le psy. Notre éducation nous a si mal outillés au niveau émotionnel, psychologique et relationnel. Que lorsqu’un adulte se met à se pencher sur lui-même. La nécessité d’un guide devient criante. Et à une époque où les approches thérapeutiques et les livres psycho-pop se multiplient à un rythme étourdissant. La question du choix suffit parfois pour nous décourager. La voie psychiatrique devient alors attirante. Plus efficace. Antidépresseurs. Anxiolytiques. Antipsychotiques. Le tabou silencieux des drogues légales.

À cela s’ajoute le doute que ces spécialistes puissent vraiment nous aider. Nous connaissons bien ces thérapeutes et ces intervenants dont les propres vies ne sont pas vraiment plus heureuses que les nôtres. L’excuse du cordonnier mal chaussé ne nous réconforte pas.

Parfois nous aurions envie de leur demander de se regarder dans le miroir. Devant nous. Pour que nous puissions sentir. Au-delà de leurs titres. Leurs diplômes. Et leurs sages paroles. Ce qu’ils ont réellement intégré eux-mêmes. Ce qu’ils sont en mesure. Ou non. De nous transmettre.

Nous ne les dénigrons pas pour autant. Plusieurs d’entre nous leur sont même reconnaissants. Néanmoins, avec le temps, nous avons réalisé que personne ne pouvait mieux nous guider que notre propre senti.

Est-ce que je me rapproche ou est-ce que je m’éloigne de la Sensation? Encore faut-il l’avoir expérimentée pour tendre vers ce nouveau Nord magnétique.

Certains se moqueront de cette notion de senti. Comme celle de coup de foudre. Comme si elles rimaient avec flyé. New Age. Décidément pas assez scientifique. Ce n’est pas grave. Notre civilisation commence tout juste à apprivoiser ses émotions. Ce sont nos enfants qui nous remercieront.




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