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Apprécier le silence devient une aptitude de plus en plus rare. Pour tenter en vain de fuir les bruits de la ville. Nous en ajoutons d’autres. Combien d’oreilles se branchent en quasi permanence sur la voix d’autrui. La musique alterne avec les conversations téléphoniques. Lorsque les deux ne se superposent pas tout simplement en stéréo. Radio. Télévision. Vidéos web. Nous imprègnent d’une couche de fond sonore rassurante. Une impression de présence humaine. Malgré ce sentiment d’isolement si commun.

Gracieuseté de nos iPods et autres appareils électroniques. Cette surenchère de stimulations auditives. Combinée aux bombardements visuels de nos écrans aux rythmes de plus en plus saccadés. Accélérés. Affectent notre capacité d’attention. Individuelle et collective. Les TDAH se multiplient chez nos enfants et, sans même avoir besoin de diagnostic officiel, de plus en plus de gens ont du mal. À simplement être présents face à leurs semblables. Sans ce besoin d’ajouter une source de stimulation additionnelle. Sans être obligés de se détendre avec l’alcool et les drogues. Sans éprouver cette impression d’ennui. De vide.

Si la majorité éprouve tant de difficulté à vivre le coup de foudre, la peur du silence y joue probablement un rôle considérable. Pendant que nous tentons de le combler en cherchant mille et une choses «intéressantes» ou «drôles» à nous dire. Nous perdons dans bien des cas notre lien avec autrui. Notre lien avec ce qu’il ressent. Avec ce que nous ressentons nous-même. Dans certains cas d’ailleurs, cette anesthésie fait bien notre affaire. Car nos émotions réelles nous terrifient tout autant que l’absence de bruit.

Le pouvoir révélateur de la nuit.
Du désert.

Nous savons pourtant qu’une fois apprivoisé, ce silence devient notre maison. «Feeling at home» dit-on en anglais. Nous lui devons l’espace qui nous a permis de nous rencontrer vraiment. Foyer à partir duquel surgit une parole. Une manifestation. Qui prend une toute autre allure. Elle ne cherche plus à combler. Ni à démontrer quoique ce soit. Elle revêt une intensité fascinante. Car elle puise ses racines d’abord dans le silence.

Nous avons constaté qu’à force de remplir constamment le vide de connu.
L’inédit ne trouvait tout simplement plus de lieu pour surgir.
Et nous surprendre comme nous l’espérions tant.




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manifeste post- . 2023 . Montréal.