menu | contact : info@manifestepost.org
article précédent | suivant










Drogues et alcools vont intimement de paire avec l’histoire des mouvements de contre-cultures. L’association est si répandue qu’elle est prise pour acquise. Bien que taboue. Étonnamment, tout en prônant l’innovation et l’originalité. La marge démontre à ce sujet. D’une époque à l’autre. Un conservatisme persistant. La nature de la substance change peut-être. Mais le besoin de cette substance demeure. Opium. Absinthe. Marijuana. Mushroom. LSD. Speed. Ecstasy. Héroïne. Coke.

Ce complĂ©ment nécessaire afin de rendre l’existence plus supportable ne s’avère pas proprement marginal. Les enfants ont leur Ritalin. Les adultes mainstream consomment leurs antidépresseurs. Leurs bières et leurs vins. L’âge d’or ses pilules. Une intoxication de plus en plus globalisée. Pour atténuer les effets secondaires d’un système qui peut alors continuer son déploiement.

Nous ne faisons pas partie de ceux qui craignent l’intensité de l’intoxication. Ni de ceux qui n’arrivent pas à bien tripper. Certaines substances nous ont permis de vivre certaines expériences parmi les plus jouissives, transformatrices et révélatrices de notre vie. Et c’est cette intensité. Ce lâcher prise radical. Que nous cherchons à retrouver au quotidien. Même dans les moments les plus banals. Seulement. Contrairement à Timothy Leary (ex) et plusieurs autres. Nous ne croyons pas que la révolution ne peut qu’être psychédélique. Nous savons que d’autres voies toutes aussi immenses. Et encore plus viables. Existent.

Nous songeons parfois au fait que l’humanité commence tout juste à se libérer du conformisme collectif qui fut si longtemps sa condition. Nous l’oublions souvent. Mais la notion d’individu ne fait relativement que naître. Lorsque nous nous penchons sur la vie de nos modèles modernes de marginalité. De ces rebelles épiques ayant osé exprimer leur individualité. Malgré la pression immense de la norme sociale. Combien n’y sont arrivé qu’à l’aide de drogues? D’alcool? Rappelons-nous le penchant toxicomane de Baudelaire. Van Gogh. Freud. Kerouac. Presley. Les Beatles. Warhol. Cobain. Et combien d’autres figures mythiques de cette culture désormais célébrée par notre haute société.

Comme s’ils n’avaient pas été capables de faire autrement. Comme s’ils n’avaient pas eu la force de faire autrement. Certains sont même allés jusqu’à sacrifier leur vie pour tenter de pointer vers certains possibles. S’ils nous ont invités à briser les conventions au siècle dernier. Ce n’est certainement pas pour que cinquante, soixante ans plus tard, nous les imitions aveuglément. Sans les remettre en question nous-mêmes.

Le jadis subversif Sex Drugs and Rock and Roll rythme désormais le quotidien prévisible et homogène de millions de jeunes blasés autour du globe. DOPE se lit sur leur front. Et sur leur cœur. Il nous semble venu le temps d’explorer plus loin. N’était-ce pas Jimi Hendrix lui-même qui prophétisait en entrevue au magazine Actuel que «La génération qui nous succédera n’aura peut-être plus besoin de drogues : tant mieux.»? (Underground, l'histoire, Actuel/Denoël, p.102)

Jimi avait raison.


* * *


Citation de Gerda Boyesen, psychologue et fondatrice de la psychologie biodynamique, dans Entre psyché et soma, 1985 :

«Je sais, par mon expérience et celle de mes patients, que, lorsque l’on descend profondément en soi-même, il est possible d’avoir des expériences tout aussi heureuses et merveilleuses que celles que peut procurer artificiellement le LSD, et cela sans les aspects psychotiques.

Le LSD a en effet deux faces : le «mauvais voyage», qui est le déferlement de l’inconscient freudien, et le «bon voyage», qui est la découverte de la créativité essentielle dont parle Jung, du sentiment océanique d’être une partie de l’Univers. En effets, lorsque les courants descendants font leur apparition, la vague océanique emporte le corps et il se fond dans le cosmos. Le sentiment profond n’est pas un sentiment de séparation. Il n’y a pas d’individu à ce moment-là. La raison la plus profonde de l’absence de bonheur chez l’homme réside dans le fait qu’il a perdu sa relation profonde avec l’Univers et qu’il essaie sans cesse de la retrouver. En effet, il a perdu le rythme, la vague océanique, les courants descendants, célestes, qui étaient en lui. Il est devenu solitaire, mécanique, malheureux, il ne possède plus le sens profond de la vie. La plupart des gens ont maintenant donné à leur vie un sens, une signification névrotique comme l’ambition, l’obsession de posséder des choses matérielles ou de mettre sous domination d’autres personnes. Toutes ces formations névrotiques disparaissent lorsqu’une personne retrouve le contact avec la vague océanique au tréfonds de soi. Je sentais en moi une telle joie, une telle béatitude dans ces états de profonde relaxation péristaltique, que j’entrais dans des espaces de non-temps, d’éternité.

Et je pense que la tentative hippie du «mouvement des fleurs» constitue un véritable effort pour retrouver le sens de la vie. Cependant, l’usage des drogues, pour retrouver le «narcotique» naturel du corps, qui est la perception des courants végétatifs et cosmiques descendants, le péristaltisme, renverse cet espoir.»





menu | article précédent | suivant





manifeste post- . 2023 . Montréal.